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homme qui, avant de l’aborder, avait parcouru depuis le haut Moyen Age, les diverses périodes dont elle est le prolongement ou, pour mieux dire, qui se continuent en elle et par elle.

C’est une fortune bien rare que d’avoir pu écrire une histoire aussi longue. Et aux yeux de beaucoup, c’est sans doute une grande outrecuidance que d’en avoir conçu et réalisé le dessein. Dans notre époque de spécialisation, il semble indispensable pour l’exécution d’une œuvre de synthèse du genre de celle-ci, de mobiliser toute une équipe de travailleurs « qualifiés ». Méthode excellente sans doute en ce qui touche l’abondance de la documentation, l’exactitude et la richesse des faits, la précision du détail. Pourtant, à répartir ainsi le cours de l’histoire en compartiments étanches, ne risque-t-on pas de perdre de vue sa continuité ? Est-il possible de comprendre un moment de la durée en dehors de ceux qui le précèdent et de ceux qui le suivent ? Il en est de la masse fluide de l’histoire comme des eaux fuyantes d’un fleuve : chaque époque charrie des éléments qui viennent de plus haut et qui iront plus bas. Il est donc souhaitable que, de temps en temps, quelqu’un fasse effort pour unir en un livre ce que la vie elle-même a uni. S’il est vrai que tout essai de synthèse est nécessairement provisoire, il l’est aussi que par les hypothèses qu’il suggère, les rapprochements qu’il établit, les problèmes qu’il pose, il peut aider pour sa part au progrès scientifique. Il n’y a de science que du général et cela est vrai de l’histoire comme du reste. Sommer un historien d’attendre, avant de construire, que tous les matériaux de son sujet soient rassemblés et toutes les questions qu’il soulève élucidées, c’est le condamner à l’attente perpétuelle, car les premiers ne seront jamais tous réunis, pour la simple raison qu’ils ne