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l’éloge des institutions belges est dans toutes les bouches ; on parle de les adopter comme modèle pour la future constitution de l’État, et les membres de la Diète se procurent partout où ils peuvent les trouver, les ouvrages publiés sur la révolution et le droit public de la Belgique[1]. Le projet se fait jour à l’Assemblée de Francfort de proposer à Léopold Ier le sceptre de l’Allemagne, qui s’unirait à la Belgique dans une Confédération pangermanique et constitutionnelle[2]. Pour le libéral Mevissen, le principe de la constitution belge : tous les pouvoirs émanent de la Nation, « est aujourd’hui le principe de l’Allemagne »[3]. Le ministre autrichien, Woyna, chantant la palinodie, constate qu’il « est incontestable que la Belgique a acquis dans ces derniers temps une très grande importance morale par sa résistance aux dangereuses influences qui menaçaient sa nationalité, et qu’elle est devenue pour les autres pays constitutionnels de l’Europe une source féconde des plus utiles enseignements »[4]. De son côté, Ernest de Cobourg écrit au roi que son peuple a donné la preuve que la monarchie peut subsister avec des institutions libérales[5]. Il n’est pas jusqu’au ministre russe Nesselrode qui ne joigne sa voix à ce concert de louanges et ne reconnaisse que le pays « au milieu d’une crise qui menaçait l’ordre social, s’est montré digne de l’admiration de l’Europe »[6].

Quant aux représentants de la France à Bruxelles, il est curieux de les entendre affirmer que la Belgique « jouit de toutes les libertés d’une république, de toutes celles pour la conquête desquelles la France s’est armée le 24 février… Le peuple belge contemple avec admiration mais sans enthousiasme, sans entraînement, le spectacle grandiose de la révo-

  1. A. De Ridder, op. cit., t. I, p. 353.
  2. Ibid., t. II, p. 90.
  3. J. Hansen, Gustav von Mevissen, t. II, p. 391 (Berlin, 1906).
  4. A. De Ridder, Un diplomate autrichien à Bruxelles (Bulletin de la Commission royale d’Histoire, t. LXXXIX, 1925, p. 205).
  5. Ernst von Sachsen-Coburg, op. cit., t. I, p. 251 : « Unser einziger moralischer Halt ist Belgien, indem es den Beweis liefert dass die Monarchie auch mit liberalen Institutionen bestehen kann ».
  6. De Lichtervelde, Léopold Ier, p. 253.