Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE PREMIER

LE PRESTIGE BELGE.
LA NEUTRALITÉ ET LE LIBRE-ÉCHANGE.


I


Le mois de mars 1848 constitue une date essentielle dans l’histoire de Belgique. Jusqu’alors, le jeune royaume avait plus ou moins déçu les Puissances qui, à vrai dire, ne s’étaient résignées à le reconnaître que comme un pis-aller. Grâce aux circonstances, il s’était imposé à l’Europe où il faisait un peu figure d’intrus. Le tsar lui gardait une telle rancune qu’il avait refusé jusqu’alors de nouer avec lui des relations diplomatiques ; son origine révolutionnaire restait odieuse à la Prusse et à l’Autriche ; l’Angleterre lui reprochait des complaisances excessives pour la France, tandis que la France supportait avec dépit de le voir prendre au sérieux son indépendance. Personne ne croyait à la durée de ce petit État bilingue, enserré dans des frontières aussi détestables au point de vue économique qu’au point de vue militaire et qui, depuis 1839, semblait n’avoir usé de son droit à l’existence que pour s’abîmer bientôt dans la lutte des partis. Bref, pour ceux de ses voisins auxquels la Belgique n’était pas antipathique, elle était pour le moins désagréable ou suspecte. Elle n’avait pas un ami, et les grands États, qui avaient, en rechignant, accordé leur garantie à sa neutralité se demandaient si, le moment venu,