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« légions belges » formées à Paris avec la complicité de Ledru-Rollin, qui, sans doute, n’était pas fâché d’en débarrasser le pavé de la capitale, n’aboutirent qu’à un échec ridicule. Le 25 mars, le train qui devait de Valenciennes amener les envahisseurs à Mons, roula directement jusqu’à Quiévrain sous la direction d’un ingénieur belge monté sur la locomotive, et débarqua ses passagers au milieu des troupes qui les attendaient. Ils étaient au nombre de huit à neuf cents. Les Français furent reconduits à la frontière, les Belges dirigés vers leurs communes[1].

Quatre jours plus tard, une colonne de deux mille hommes conduits par des polytechniciens et que le commissaire de la République à Lille avait laissé se fournir de fusils à l’arsenal, se heurtait au hameau de Risquons-Tout, près de Mouscron, à un petit détachement de deux cents soldats qui, après une fusillade assez vive, la repoussait en désordre[2]. La leçon fut profitable et ces tentatives ne devaient plus se renouveler. Le calme imperturbable de la nation ne fut même pas troublé par ces échauffourées. Quant au gouvernement, il s’abstint prudemment de faire sonner trop haut son succès et n’insista pas pour obtenir de Paris des explications qu’il eût été trop embarrassant de donner. Il se borna à faire juger par la Cour d’assises d’Anvers les quelques agitateurs qui s’étaient compromis dans le mouvement. Dix-sept d’entre eux furent condamnés à mort et graciés.

Depuis lors, la Belgique n’eut plus qu’à assister en spectatrice aux convulsions de l’Europe. Et par une bonne fortune

  1. Sur l’affaire de Quiévrain, voy. le rapport de l’ingénieur Gobert dans P. Hymans, Frère-Orban, t. II, p. 3 et suiv. Add. le récit du ministre d’Hofschmidt et un rapport de la Sûreté publique dans De Ridder op. cit., t. I, pp. 191, 279, et t. II, p. 128 et suiv.
  2. On trouvera les principaux documents sur cette affaire dans De Bavay, Histoire de la Révolution belge, p. 371 et suiv. Cf. De Ridder, op. cit., t. I, p. 273. Lamartine, Histoire de la Révolution de 1848, t. II, p. 161, avoue que certains agents du gouvernement français y furent mêlés. De la Gorce, Histoire de la deuxième république, t. I, p. 180, donne un récit très complet. Pour l’intervention des autorités lilloises, voy. M. Gossez, Le département du Nord sous la deuxième république, p. 129 et suiv. (Lille, 1904).