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membres, affirmant que « les nations qui touchent le plus près à la France seront les premières à la suivre dans la carrière où elle vient d’entrer[1] ». Une tentative insurrectionnelle, où Spilthoorn essaye en vain d’entraîner les ouvriers gantois, s’achève ridiculement par le bris de quelques vitres au collège des Jésuites. Si des jeunes gens échauffés crient çà et là : « Vive la République ! », personne ne leur répond, et Adelson Castiau, reconnaissant qu’il est seul dans la Chambre à souhaiter l’avènement du régime républicain, renonce à son mandat de représentant.

Manifestement il apparaît dès les premiers jours de mars que la crise qui ébranle l’Europe, n’ébranlera pas la Belgique. L’agitation socialiste et républicaine s’est montrée plus inoffensive encore qu’on ne le croyait, et il a suffi de lâcher la corde aux radicaux pour les satisfaire. Le roi est complètement rassuré. Le 4 mars, avant même la promulgation de la loi électorale, il écrit dans sa joie à Sylvain van de Weyer que le pays vient de prouver qu’il était vraiment une nation. Quelle revanche pour lui que l’effarement de ces souverains absolutistes qui ont si longtemps raillé sa « monarchie révolutionnaire » et qu’il voit capituler devant la révolution qui l’épargne. Il commence à se solidariser avec ce peuple qu’il a jusqu’alors considéré en étranger, et il lui échappe de parler avec émotion de « notre bonne et admirable Belgique ».

Mais si rien n’est à craindre à l’intérieur, il semble que tout soit à craindre du dehors. À Paris, les journaux exhortent les Belges à proclamer la république, et la conduite du Gouvernement provisoire est au moins ambiguë. Il avait espéré tout d’abord que l’exemple de la France provoquerait sur-le-champ la révolution à Bruxelles et il éprouva de s’être trompé une surprise mêlée de dépit. Sa situation est embarrassante et rappelle d’assez près celle de Louis-Philippe en 1830. Partagé entre la crainte d’exaspérer les partisans de la propagande en s’opposant à l’invasion de la Belgique et celle de se brouiller

  1. A. De Ridder, La crise de la neutralité belge en 1848, t. I, p. 182 (Bruxelles, 1928).