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tous, dans les villes et dans les campagnes, le cens au minimum constitutionnel de 20 florins (42 fr. 32), tant pour les élections législatives que pour les élections provinciales. Une loi postérieure étendit (31 mars) cette réduction à l’électorat communal et supprima en même temps le cens d’éligibilité. Une autre nouveauté enfin, que l’opinion réclamait depuis quelque temps parce qu’elle y voyait une garantie de l’indépendance des députés, je veux dire l’exclusion des Chambres de tous les fonctionnaires de l’État, fut adoptée dans le désir de compléter la réforme, « de désarmer toutes les opinions sincères et constitutionnelles et de ne pas permettre à d’autres nations d’offrir à l’envi à la Belgique des institutions plus libérales que les siennes »[1]. Ainsi, à mesure que les événements se déroulaient, l’entente patriotique des partis se faisait plus étroite. Le 1er mars, des déclarations républicaines d’Adelson Castiau provoquaient sur tous les bancs de la Chambre une tempête qui s’achevait en effusions d’amour pour la constitution et en une manifestation générale de confiance dans le gouvernement.

Cependant l’incendie allumé en France parcourait toute l’Europe. À Berlin, le roi s’humiliait devant le peuple soulevé, un parlement national allemand se réunissait à Francfort ; l’Autriche s’insurgeait, Vienne expulsait Metternich ; la Hongrie, la Bohême, l’Italie étaient en ébullition ; il n’est pas jusqu’à la paisible et conservatrice Hollande où le roi n’était contraint de donner à ses sujets une constitution calquée sur la constitution belge. De toute cette fièvre, c’est à peine si de légers symptômes se trahissent en Belgique. Quelques brochures réclament le suffrage universel. À Louvain, des étudiants envoient à leurs condisciples d’Allemagne une adresse de félicitations et poussent des cris séditieux sous les fenêtres du vice-recteur. À Gand, le professeur Huet fait circuler des listes de souscription en faveur des victimes des journées parisiennes de février. L’Association démocratique envoie au Gouvernement provisoire de Paris un manifeste signé de dix de ses

  1. Paroles d’Ad. Dechamps, dans E. Discailles, op. cit., t. III, p. 239.