pratique de la constitution la plus libérale du monde, par l’application loyale de la politique de neutralité, par l’action de souverains de valeur exceptionnelle. Sans doute il y a des ombres au tableau. Les uns me reprocheront peut-être de les avoir fait trop crûment ressortir, les autres m’accuseront d’avoir embelli la réalité. Et j’avoue que j’ai écrit avec sympathie. Aussi bien est-il possible de ne pas s’éprendre de son sujet dès lors qu’on l’a étudié sans autre intention que celle de comprendre ? C’est du moins ce que j’ai éprouvé tout le long du chemin de notre histoire. Du haut Moyen Age jusqu’à nos jours, j’en ai admiré tous les paysages, même les plus tristes. Le spectacle de la vie, quelle qu’elle soit, dégage toujours un élément de beauté, comme celui de l’effort un élément de bonté. Optimisme, dira-t-on, et qu’importe ? Optimisme et pessimisme ne sont que des attitudes d’esprit, ce ne sont pas des attitudes scientifiques. Je suis convaincu, pour ma part, qu’aimer son sujet aide à le mieux connaître. L’ai-je mieux aimé dans cette ultime période ? Je préfère croire que si je l’ai décrit en beau, c’est qu’il le méritait.
Je ne me flatte pas d’ailleurs de l’avoir bien décrit. Mais il faut reconnaître aussi qu’il était impossible de le bien faire. Plus l’historien se rapproche du présent, plus sa tâche devient malaisée. Étant plongé en quelque sorte dans le courant des événements, il n’en peut ressentir que l’action, mais non en mesurer la portée et les conséquences comme s’il les envisageait de la rive. Le recul nécessaire lui manque. Il juge sur des apparences ainsi que le médecin devant un corps vivant. Pour pouvoir scientifiquement se rendre compte d’une époque, il faut qu’elle soit morte et que l’on en puisse fouiller les entrailles comme l’anatomiste qui dissèque un cadavre.