Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II


À la veille de la révolution parisienne de 1848, on relève pourtant dans les grandes villes des symptômes de la fermentation qui se propage en France au sein de la classe ouvrière. Les quelques tentatives d’agitation populaire auxquelles les Orangistes avaient été mêlés de 1830 à 1839, avaient toutes fait long feu au milieu de l’indifférence des masses. Le moment semblait venu de reprendre une propagande qui pouvait compter sur l’appui ou du moins sur la sympathie de la bourgeoisie « avancée », dont les représentants les plus convaincus étaient en rapport avec un énergique démocrate, l’Anversois Jacob Kats. Au mois de décembre 1843, un groupe d’ouvriers saisissaient les Chambres d’une pétition réclamant des moyens d’existence, l’exemption de tous les impôts de consommation, l’abaissement du cens électoral et l’organisation du travail[1]. En 1845, les typographes bruxellois demandaient les mêmes réformes[2]. L’almanach populaire publié par Kats en 1844, en français et en flamand, allait jusqu’à prôner le suffrage universel et l’administration de l’industrie par l’État. L’année suivante, un pamphlet exhortait le peuple de Gand à remontrer sa misère au roi et engageait les troupes à ne pas tirer sur les manifestants[3]. À Bruxelles, des orateurs de meetings cherchaient à intéresser les ouvriers aux doctrines socialistes qu’ils ne pouvaient comprendre.

C’étaient là semences tombant sur la pierre. Le peuple, engourdi dans sa misère et son ignorance, ne répondait que par l’inertie aux défenseurs de sa propre cause. Seuls quelques bourgeois s’enthousiasmaient pour les réformes sociales. Des avocats républicains comme Spilthoorn à Gand, comme Tedesco à Liége n’auraient pas hésité à provoquer un mouvement révolutionnaire, mais leur qualité même de bourgeois

  1. L. Hymans, Histoire parlementaire, t. II, p. 283.
  2. Ibid., t. II, p. 453.
  3. Avanti, Een terugblik, p. 116.