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CHAPITRE IV

LA CRISE DE 1848


I


C’est une banalité, de nos jours, de dire que la Révolution de 1830 faite par le peuple a été confisquée par la bourgeoisie[1]. Pour courante qu’elle soit, cette affirmation n’en est pas moins erronée si elle signifie que la bourgeoisie aurait, à la suite d’un complot machiné d’avance, fait tourner la victoire commune à son profit exclusif. Elle est exacte, au contraire, si elle se borne à constater le fait évident que la bourgeoisie s’est mise, grâce à la Révolution, en possession du pouvoir politique. Mais on reconnaît tout de suite qu’il ne pouvait pas en être autrement.

L’insurrection des Belges contre le régime hollandais avait été complètement étrangère à tout mobile d’ordre économique. Jamais l’agriculture et l’industrie n’avaient été aussi prospères que durant les années qui la précédèrent. Il suffit de rappeler que le parti orangiste se recruta précisément dans le monde des affaires, pour montrer que les capitalistes, loin de désirer la révolution, la considérèrent au contraire comme

  1. On attribue le mot à Gendebien. Voy. la préface de Fréson aux Souvenirs de J, Lebeau, p. 26.