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répugnance la réforme électorale. La minorité de l’assemblée énergiquement combattue par Frère-Orban, qui prit dès lors l’attitude d’un chef de parti, demandait l’abaissement immédiat du cens et tout au moins l’octroi du droit de vote aux citoyens inscrits sur la liste des jurés. Elle dut se contenter d’une résolution qui, tout en ne repoussant pas le principe de la réforme, n’en admettait l’application que d’une façon graduelle et prudente. L’accord fut complet en revanche pour revendiquer l’indépendance « réelle » du pouvoir civil, l’organisation de l’enseignement à tous les degrés sous la direction exclusive de l’autorité laïque, sur le retrait des « lois réactionnaires » de 1842. Pour prouver qu’on n’en voulait pas à la religion, on vota un vœu en faveur de la soustraction du bas clergé à l’arbitraire épiscopal. Un article du programme donnait enfin satisfaction aux démocrates en promettant de s’occuper des améliorations que réclament impérieusement les classes ouvrière et indigente. En même temps, une solide armature était donnée au parti par la décision de créer dans chaque arrondissement une association et dans chaque canton un comité auxquels incomberait le soin de préparer d’une manière permanente la propagande électorale.

Le Congrès cependant ne parvint pas à empêcher la scission définitive du parti en deux groupes. En 1847, les modérés, désignés dès lors par ce nom de doctrinaires que les partisans de la réforme appliquaient en France aux amis de Guizot, abandonnaient l’Alliance aux radicaux pour fonder en face d’elle l’Association libérale et constitutionnelle. Loin de nuire au libéralisme, cette rupture de la majorité avec un groupe dont les revendications démocratiques effrayaient le corps électoral, lui valut une victoire éclatante aux élections du mois de juin. Le ministère de Theux démissionna, et le roi chargea Rogier de constituer le Cabinet (12 août 1847) où il n’entra naturellement que des libéraux.

La politique unioniste avait vécu. Désormais, les partis se succéderont alternativement au pouvoir conformément aux règles du système parlementaire, auquel Léopold Ier se résignait à sacrifier le système constitutionnel tel qu’il l’avait pratiqué