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apparaissait ainsi comme la plus solide garantie de l’ordre[1].

Mais les éléments les plus jeunes du parti supportaient impatiemment l’hégémonie de la clique « aristocratico-métallique »[2] à laquelle ils reprochaient de trop sacrifier aux intérêts matériels. Comme en France, ils demandaient une réforme électorale que la plupart d’entre eux limitaient d’ailleurs à l’abaissement progressif du cens. Leurs tendances démocratiques se confondaient ainsi avec l’intérêt même du parti. Car toute réduction du cens devant nécessairement aboutir à augmenter le nombre des électeurs urbains tournerait sans nul doute au profit du libéralisme. De bonne heure l’orientation nouvelle s’était fait jour au sein de la Société L’Alliance fondée en 1841 à l’initiative des loges. Son développement menaçait d’amener à la longue une scission entre modérés et radicaux et c’est probablement pour parer à ce péril que les chefs du parti saisirent l’occasion de l’avènement au pouvoir du ministère de Theux pour convoquer un Congrès libéral qui s’ouvrit le 14 juin 1846 à l’hôtel de ville de Bruxelles.

C’était la première fois que la liberté de réunion servait à organiser une manifestation politique anti-gouvernementale. Malgré les appréhensions des conservateurs, malgré une lettre de Louis-Philippe exhortant Léopold à empêcher cette assemblée, d’autant plus dangereuse à ses yeux qu’Odilon Barot devait y prendre part, malgré les alarmes du roi lui-même, personne ne songea ni à contester ni même à restreindre l’exercice du droit constitutionnel dont les congressistes faisaient usage. En se laissant attaquer par eux, le pouvoir leur enleva précisément la possibilité de provoquer une crise analogue à celle qui devait un peu plus tard renverser en France la monarchie de juillet. Par cela même qu’elle autorisait leur assemblée, la constitution se plaçait en dehors de ses atteintes.

Les 384 délégués de toutes les parties du pays qui délibérèrent sous la présidence de Defacqz, appartenaient pour la plupart à cette fraction du libéralisme qui n’envisageait qu’avec

  1. L. Hymans, Histoire parlementaire, t. II, p. 434.
  2. P. Hymans, Frère-Orban, t. I, p. 87 (Bruxelles, 1905).