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une politique dirigée non sans doute contre la religion, mais contre l’ « influence occulte » qui, d’après eux, corrompait l’unionisme gouvernemental. Décidés à en secouer le joug, ils faisaient preuve d’une activité combative qui manquait totalement aux catholiques et qui les déconcertait. Ils avaient le prestige et les avantages de l’offensive.

Leur presse, à laquelle répliquaient pauvrement les rares journaux de la partie adverse, dénonçait les périls, que la politique cléricale faisait courir à la liberté. Les lois « réactionnaires » de 1842 n’avaient-elles pas pour but d’énerver la résistance des grandes communes aux empiétements de l’Église ? La loi scolaire ne devait-elle pas livrer l’école à l’inquisition du prêtre ? Et le prêtre n’avait-il pas toujours été le soutien du despotisme et de l’aristocratie ? N’avait-on pas vu en 1841, le catéchisme du diocèse de Namur faire du payement de la dîme un devoir des fidèles ? Le projet des évêques de donner à l’Université de Louvain la personnification civile, ne trahissait-il pas visiblement l’intention de reconstituer la main morte ? Le pape d’ailleurs n’avait-il pas condamné les libertés modernes ? Sans doute les catholiques n’attaquaient pas encore la constitution, mais qu’on les laissât faire, et elle serait bientôt en danger. L’arrogance épiscopale ne tenait aucun compte de la liberté des citoyens. N’avait-elle pas dénoncé les loges maçonniques à la réprobation publique ? Sur qui s’appuyait d’ailleurs le parti qu’elle inspirait si ce n’est sur les électeurs ignorants et fanatiques des campagnes, si bien que son triomphe serait fatalement celui du fanatisme et de l’ignorance ? Dans l’ardeur de la lutte on s’emportait jusqu’à mettre en doute l’infaillibilité du Congrès et à se demander si un excès de générosité ne lui avait pas fait mesurer trop largement la part de liberté donnée à cette Église qui menaçait toutes les libertés.

En se ralliant au libéralisme aux environs de 1840, les Orangistes avaient encore renforcé ses tendances anticléricales en même temps qu’ils avaient augmenté son influence sur la grande industrie. Rogier constatait en 1845 que les plus riches des électeurs censitaires appartenaient à l’opinion libérale, qui