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C’était cependant, sinon un « défi », tout au moins un « anachronisme » et en tout cas une contradiction que de confier le salut de l’unionisme à un seul parti. Fait comme il était, le ministère ne pouvait prétendre qu’à occuper le pouvoir sans posséder les moyens de l’exercer. La majorité dont il disposait était infime et tout indiquait que le moment était proche où elle s’effondrerait sous lui.

Depuis 1839, le libéralisme n’avait cessé de grandir au sein du corps électoral. Le régime censitaire favorisait ses progrès. Car si le cens était plus bas dans les campagnes que dans les villes, le développement de l’industrie avait d’autre part pour conséquence l’augmentation rapide de la population urbaine avec laquelle croissait le nombre des censitaires libéraux. Ajoutez à cela que les catholiques n’avaient pas, à proprement parler, de programme politique. Satisfaits de la liberté que la constitution garantissait à l’Église, ils ne demandaient rien d’autre que la continuation d’un régime qui permettait à celle-ci de soumettre peu à peu la vie sociale à son influence. Ils ne contestaient pas l’indépendance du pouvoir civil pourvu qu’elle se confinât dans « le cercle de ses attributions réelles ». S’ils étaient attachés à l’unionisme, c’est qu’ils le considéraient comme un moyen d’empêcher leurs adversaires de sortir de ce cercle.

Ainsi compris, l’unionisme conduisait fatalement à une politique d’abstention et d’immobilité incompatible avec les principes dont les libéraux se réclamaient. Pour eux, la liberté devait être l’instrument du progrès dans tous les domaines. Se considérant comme les héritiers et les continuateurs des révolutionnaires de 1789, ils se proposaient de pousser plus loin dans la voie qu’ils avaient ouverte. Leur idéal était l’affranchissement complet de l’individu tant à l’égard de l’État qu’à celui de l’Église. Et comme cette dernière seule était dangereuse, c’est à elle qu’ils s’en prenaient nécessairement. Leur anticléricalisme n’était en réalité qu’une face de leur libéralisme, mais dans les conditions actuelles c’en était la seule visible en même temps que le seul principe d’action. La « politique nouvelle » dont ils parlaient se confondait avec