Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’était la première fois que le chef du Cabinet était désigné en dehors des Chambres. Les services éminents qu’il avait rendus au pays pourraient-ils compenser cette cause de faiblesse ? Mais l’ingratitude s’impose nécessairement aux partis et le roi put s’en convaincre aussitôt. Peut-être avait-il espéré satisfaire tout le monde en engageant van de Weyer, rationaliste notoire, à s’entourer surtout de collaborateurs catholiques. Il ne réussit qu’à le discréditer à la fois auprès des libéraux qui ne virent en lui qu’un transfuge, et des catholiques qui le considéraient comme un adversaire de leur foi. « Pourquoi est-on allé vous chercher au delà de la mer ? » s’écria Paul Devaux, et ces paroles indiquaient suffisamment que le temps était passé où la couronne pourrait imposer au Parlement un ministère de son choix. Au sein même du Cabinet d’ailleurs, l’unionisme, désormais condamné dans les Chambres, ne parvenait pas à s’imposer. L’impossibilité de se mettre d’accord avec ses collègues sur un projet de loi organisant l’enseignement moyen, poussa van de Weyer, après une pénible administration de huit mois, à renoncer à la tâche dont il avait été chargé malgré lui.

Une fois de plus le roi se tourna vers les libéraux. Mais Rogier ne voulait accepter la mission de former un gouvernement qu’en prenant pour programme l’indépendance du pouvoir civil et en recevant l’assurance d’une dissolution des Chambres en cas « d’opposition journalière et combinée de leur part ». Devant cette décision bien arrêtée de n’administrer qu’avec l’appui du libéralisme, il ne restait au roi qu’à s’adresser aux catholiques, qui seuls demeuraient fidèles à la politique unioniste à laquelle il ne se résolvait pas à renoncer[1]. Le Cabinet formé par le comte de Theux (31 mars 1846-12 août 1847) fut recruté tout entier à droite.

  1. C’est bien certainement pour cela qu’il considère à cette époque les catholiques comme « unsere nationalsten Leute » ; les libéraux, ou comme il dit les anticatholiques, « repräsentieren etwas das System des verstorbenen Königs Wilhelm » (Lettre à l’Archiduc Jean). Corti, op. cit., p. 139. En 1841, il dit au ministre du Piémont que « le parti catholique est le plus ferme soutien de mon gouvernement. » C. Buraggi, etc., Belgio e Piemonte, p. 54.