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Transaction opportuniste entre les principes incompatibles des deux partis, elle accordait quelque chose à chacun d’eux sans les contenter ni l’un ni l’autre. Aux libéraux, elle donnait la satisfaction de voir l’État, revendiquant le droit d’organiser l’instruction publique, imposer à chaque commune l’entretien d’une ou de plusieurs écoles. Aux catholiques, elle accordait non seulement la garantie de reconnaître au clergé la surveillance de l’enseignement au point de vue religieux, mais encore la faculté laissée aux communes d’adopter une école privée, c’est-à-dire en fait une école catholique. Il est incontestable qu’ainsi faite la loi répondait à la situation d’un peuple où, sauf d’infimes minorités, la population restait profondément attachée à la religion et à l’Église. Mais ce sont les minorités qui mènent les partis, et le régime censitaire leur conférait d’ailleurs une importance qu’elles n’avaient pas dans la nation. On ne trouvait que dans la bourgeoisie des catholiques férus du dogme de l’incompétence de l’État en matière d’enseignement, et des libéraux n’admettant qu’une instruction exclusivement civile et neutre. De part et d’autre, la presse se déchaîna contre un système qui, pour les uns, violait la liberté de l’enseignement et pour les autres, mettait en péril la liberté de conscience. Évidemment la question scolaire n’était pas résolue. Elle n’était que momentanément écartée.

La politique unioniste de Nothomb, malgré ses succès au Parlement, ne pouvait durer très longtemps en présence de l’opposition qu’elle soulevait de plus en plus au sein des partis. Ce gouvernement de transaction devait forcément céder à la pression de l’opinion, et c’est miracle qu’il se soit maintenu pendant plus de quatre ans. Lorsqu’il se retira après les élections de 1845, dont l’accentuation, tant à droite qu’à gauche, ne lui permettait plus de compter sur une majorité, le roi ne se résigna cependant pas à reconnaître que le temps était venu de livrer le pouvoir aux compétitions des partis. Devant le refus des libéraux de recommencer l’essai malheureux du Cabinet Lebeau, il fit appel au dévouement de Sylvain van de Weyer qui depuis la Conférence de Londres gérait la légation de Belgique en Angleterre (30 juillet 1845-31 mars 1846).