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avec un programme unioniste. Mais l’unionisme était-il possible sous la direction de ministres appartenant tous au même parti ? Dès le premier jour, il fut visible qu’ils ne jouissaient pas de la confiance des Chambres. Une dissolution eût éclairci la situation ; le roi ne voulut pas y consentir. Il accepta la démission du Cabinet après le vote par le Sénat d’une adresse appelant l’attention de la couronne sur les « divisions déplorables qui se sont manifestées durant cette session dans le sein de la représentation nationale ».

Il n’y avait après cela qu’à renouer la tradition des ministères mixtes. Ce fut le rôle dévolu à J.-B. Nothomb et aux collaborateurs qu’il se recruta parmi les diverses nuances de l’opinion catholique et de l’opinion libérale (13 avril 1841-30 juillet 1845). Pour ce vétéran du Congrès, l’unionisme n’était point une tactique parlementaire mais une politique imposée par l’intérêt même du pays. Grâce à son prestige personnel et à son habileté, il parvint à retarder de quelques années le moment où les Chambres se diviseraient en deux partis comme se divisait déjà le corps électoral dont elles étaient issues. Les votes qu’il réussit à obtenir ne correspondaient certainement pas aux programmes sur lesquels avaient été élus les représentants et les sénateurs qui les émirent. La majorité qui l’appuya dans le Parlement n’existait pas dans la nation, et l’on assista au spectacle paradoxal de lois adoptées par les mandataires de partis qui, dans leur ensemble, les réprouvaient. Tel fut le cas pour les lois de 1842, dont l’une autorisait le roi à nommer les bourgmestres en dehors des conseils communaux, et dont l’autre fractionnait en sections de quartiers le corps électoral des grandes communes. Stigmatisées du nom de « lois réactionnaires » par la presse libérale qui n’y voulut voir qu’un moyen de favoriser les catholiques arraché au gouvernement par l’ «influence occulte du clergé », elles n’en furent pas moins votées par de nombreux libéraux. Et il est plus étonnant encore de constater qu’il ne se trouva que quatre opposants dans les Chambres à la loi du 24 mars 1842 sur l’enseignement primaire, et qu’elle fut adoptée par le Sénat à l’unanimité.