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vote, cortèges parcourant les villes avec musiques et drapeaux, banquets et « beuveries » aux frais des candidats. La facilité avec laquelle le régime censitaire se prête à la fraude donne lieu à des tripotages si scandaleux que, dès la session parlementaire de 1842-1843, est présenté le premier des tristes projets de loi sur les fraudes électorales. Bref, le déchaînement des passions est tel que le ministre de France, en 1846, craint qu’ « il ne mette en question le maintien de la nationalité »[1], et que le roi se plaint à l’archiduc Jean de « la lutte regrettable » que mènent autour de lui catholiques et libéraux[2].

L’unionisme cependant n’a pas disparu d’un choc brusque et il a fallu plusieurs années avant que la répartition des Chambres en droite et en gauche devînt un fait accompli et définitif[3]. Jusqu’en 1848 au surplus, les fonctionnaires qui y siégeaient en grand nombre et votaient le plus souvent pour le ministère empêchèrent cette répartition de prendre la netteté d’une coupure.

Après l’adoption des traités de 1839, le Parlement devait prendre le Cabinet de Theux comme victime expiatoire. On saisit pour le renverser, après six ans de pouvoir (4 août 1834-18 avril 1840), le prétexte de la réintégration du général van der Smissen, compromis dans la conspiration orangiste de 1831, sur les contrôles de l’armée. Le roi fit appel pour le remplacer à un ministère Lebeau-Rogier où n’entrèrent que des libéraux. Il espérait sans doute faire disparaître ainsi le grief élevé contre le gouvernement disparu, d’avoir suivi systématiquement une politique catholique. Il est probable d’ailleurs que Lebeau, dont il désirait à ce moment le concours en vue d’accentuer, vis-à-vis de la France, la politique de neutralité, lui suggéra le choix de ses collaborateurs. En dépit de sa couleur politique, le Cabinet se présenta devant les Chambres

  1. Archives du Ministère des Affaires Étrangères à Paris, loc. cit., t. XXIV, p. 301.
  2. Corti, op. cit., p. 139.
  3. F. Van Kalken, La fin de l’unionisme en Belgique (Mélanges Pirenne, p. 611 et suiv.).