Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

majorité des libéraux belges, « vont à la messe »[1] et distinguent soigneusement l’Église du clergé qu’ils accusent de la compromettre par son intolérance. La tradition, l’habitude, les convenances de famille ou de société les retiennent dans la religion. Ils ne sont pas anti-catholiques : ils ne sont encore qu’anticléricaux. Cette attitude se comprend d’autant mieux, que le catholicisme libéral de leurs adversaires ne prête à aucun soupçon de confessionnalisme. Ils admettent pleinement toutes les libertés constitutionnelles, c’est-à-dire, toutes les libertés modernes. En 1832, n’ont-ils pas considéré la fameuse encyclique lancée contre elles par Grégoire XVI comme une simple affirmation théorique, comme une « thèse » indépendante de la pratique, et leur représentant le plus considérable, le comte de Mérode, n’a-t-il pas déclaré en plein Parlement, qu’elle ne le liait pas ?[2]. Mais les deux partis ont beau se réclamer l’un et l’autre de la constitution, ils ne l’interprètent pas de la même manière. Tandis que les libéraux ne voient dans la liberté qu’elle confère à l’Église qu’une liberté dont l’exercice a pour limite l’indépendance du pouvoir civil, aux yeux des catholiques, au contraire, elle constitue la liberté primordiale devant laquelle le pouvoir civil, s’il ne veut lui apporter son concours, doit au moins s’effacer.

À prendre le pays dans son ensemble, il est évident que les catholiques y possèdent une majorité écrasante. À bien peu près, l’ascendant de la religion et avec lui l’ascendant du clergé sont restés à la campagne ce qu’ils étaient à la fin du XVIIe siècle. Dans la partie rurale des provinces flamandes surtout, que sa langue a préservée de l’influence française, ils pénètrent le peuple jusqu’au fond. Il n’existe guère de libéraux qu’au sein de la bourgeoisie, c’est-à-dire dans les villes ou dans les districts industriels. Mais cette disproportion numérique n’affecte pas la représentation des partis au Parlement,

  1. F. Van Kalken, Théodore Verhaegen (Revue de l’Université de Bruxelles, 1927).
  2. L. Hymans, Histoire Parlementaire, t. II, p. 201. En 1846, le chanoine de Haerne affirme encore qu’elle ne peut lier les Belges en matière politique. Ibid., p. 478.