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teurs avaient été frappés en 1841, 1843, 1844, 1845 et 1846 sur divers produits à la demande des industriels. Le libre échange que faisait présager la construction des chemins de fer et le traité de 1844, bien que prôné déjà par un groupe de novateurs à l’imitation de l’Angleterre, soulevait encore la défiance des Chambres législatives.

Vainement de timides efforts avaient été tentés pour créer des comptoirs au dehors. Sans y participer, le gouvernement s’était montré favorable, espérant que la colonisation fournirait un exutoire au paupérisme. Il avait laissé une société anonyme, la Compagnie belge de Colonisation, transporter en 1843 quelques malheureux à Santo-Thomas de Guatemala. L’année suivante huit cent soixante-onze émigrants avaient été débarqués. Mais le manque de ressources de ces pauvres gens, l’insalubrité du climat, les conditions déplorables de l’hygiène et de l’organisation n’avaient pas tardé à prouver l’inanité de l’entreprise. Du 6 mars 1844 au 1er novembre 1845, deux cent onze colons étaient morts de maladie et de misère et il fallut envoyer un bateau de l’État pour rapatrier les survivants. Quelques-uns seulement persistèrent, maintenant un semblant de vie à ce pauvre établissement. En 1859, sur le point de disparaître, il comptait encore une quarantaine d’émigrés. Le pays d’ailleurs s’était montré complètement indifférent aux projets de la Compagnie. Trois communes seulement avaient participé à la souscription ouverte pour constituer son capital. Une autre tentative en 1847 à l’embouchure du Rio-Nunez, sur la côte occidentale d’Afrique, ne réussit pas mieux. De toute évidence, l’idée « d’appliquer l’expatriation comme remède au paupérisme » était irréalisable. Les usines du Nord de la France suffisaient comme refuge aux travailleurs inoccupés. En 1848, elles employaient environ quatre-vingt-dix mille Belges[1].

  1. Sur ces premières tentatives de colonisation, voy. l’Exposé de la Situation du Royaume de 1841-1850, p. 44 et suiv. ; De Lannoy. La question coloniale en Belgique de 1830 à 1840 (Mélanges Moeller, t. II, p. 556 et suiv.) ; L. Hymans, Histoire Parlementaire, t. II, pp. 244, 371, 815 ; t. III, p. 470 ; O. Petitjean, Les tentatives de colonisation faites sous le règne de Léopold Ier dans La Belgique en 1930 ; Ch. Maroy, La Colonie de Santo-Thomas de Guatemala et La Colonie belge du Rio Nunez (Bulletin d’Études de l’École supérieure de Commerce Saint-Ignace d’Anvers, 1926 et 1930).