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dérèrent comme une manifestation contre la France[1]. Elle n’était en vérité que l’aboutissement d’une grande voie ferrée, ou si l’on veut, le premier fruit de l’initiative de 1834. Dans la situation qu’elle occupait en Europe, la Belgique était appelée à consolider son indépendance à mesure qu’elle s’ouvrirait davantage à ses voisins et qu’accueillante à tous, elle échapperait par cela même à l’influence exclusive de l’un d’entre eux.

Le traité de 1844 avec le Zollverein peut être considéré comme le point de départ non seulement de celui de 1845 avec la France, mais de la convention du 29 juillet 1846 avec la Hollande. La guerre de tarifs entre les deux pays devenait sans but, du moment qu’il était évident que la Belgique ne succomberait pas aux périls qui un moment avaient semblé menacer son existence. En somme, elle avait victorieusement traversé la crise politique et la crise économique dont elle avait souffert en même temps. Elle avait affirmé sa neutralité, grâce aux mesures militaires qu’elle avait su prendre au bon moment, et rétabli son industrie en poursuivant, malgré les difficultés de l’heure, la construction de ses chemins de fer. Le roi, qui lui avait constitué une armée, et le Parlement, qui l’avait dotée de son réseau ferré, avaient également bien mérité d’elle.

Si elle pouvait désormais compter sur l’avenir, elle ne pouvait cependant l’envisager sans inquiétude. La crise alimentaire de 1845 à 1846 donnait à la crise linière des Flandres les allures d’une épouvantable catastrophe. Les progrès du capitalisme et du machinisme bouleversaient l’ordre social d’un pays où, en 1846, 2,220,000 personnes vivaient de l’agriculture et seulement 1,280,000 de l’industrie. Entre les réclamations discordantes des manufacturiers et des propriétaires fonciers, le gouvernement se confinait dans un protectionnisme timide et incohérent.

L’échelle mobile adoptée en 1834 au profit des producteurs de blé maintenait le haut prix des céréales. Des droits protec-

  1. À la Chambre même, des membres furent choqués par les « ovations » de la presse allemande à ce sujet. L. Hymans, Histoire parlementaire, t. II, p. 329.