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n’épargnaient pas les remontrances[1]. En présence de cette attitude, le Cabinet de Paris, craignant de courir au devant d’un nouvel échec, laissa peu à peu tomber les conversations. Il se contenta d’une convention qui, en retour de concessions à l’industrie linière des Flandres, gravement atteinte par les progrès du machinisme, accordait à la France d’importants dégrèvements de tarifs sur les vins et les tissus de soie (16 juillet 1842). De longs et difficiles pourparlers conduisirent enfin, le 13 décembre 1845, à la conclusion d’un traité de commerce plus général qui devait expirer en 1852.

Pendant qu’il discutait avec la France, le gouvernement cherchait à réaliser un accord commercial avec l’Allemagne. Il ne pouvait sans doute être question pour la Belgique d’entrer dans le Zollverein, et de consentir ainsi à la Prusse une vassalité qu’elle refusait à la France. Il ne faut même pas considérer le traité qu’elle conclut le 1er septembre 1844 avec cette Puissance et la Confédération germanique comme l’indice d’une orientation politique nouvelle. En réalité, il n’était que la conséquence nécessaire du plan formé en 1834 en vue de l’extension du trafic par l’établissement du chemin de fer vers Cologne. La ligne de Verviers à Aix-la-Chapelle avait été inaugurée en 1843. Elle devait conduire au traité. L’intérêt de l’Allemagne et l’intérêt de la Belgique étaient d’accord pour relier la région rhénane à Anvers, son débouché naturel. Des stipulations très avantageuses ne permettaient pas seulement au grand port de recouvrer son importance internationale, elles aidaient en même temps l’industrie métallurgique à sortir du marasme. C’est à bon droit que des fêtes brillantes saluèrent un événement qui mit fin à la crise économique ouverte depuis 1839. On se méprit d’ailleurs à l’étranger sinon sur la portée, du moins sur la nature de la convention. Louis-Philippe en ressentit un violent dépit[2], tandis que les Puissances continentales la consi-

  1. Le prince de Ligne écrivait de Paris que l’Angleterre considérerait l’union douanière comme un casus belli. Princesse de Ligne, Souvenirs, p. 227.
  2. La princesse de Ligne raconte qu’il aurait dit à son mari, dans un accès de colère, que si la Belgique veut évoluer vers l’Allemagne « nous l’écraserons ». Souvenirs, p. 231.