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de Paris[1]. Le conflit devenant plus aigu, il n’avait pas hésité à prendre des mesures de défense. Le 10 novembre, son discours du trône affirmait au Parlement que la neutralité serait maintenue « sincère, loyale et forte ». Insensible aux reproches de Thiers et aux déclamations des Chambres françaises qui l’accusaient de pactiser avec l’Angleterre et la Prusse, il ne se laissait pas ébranler davantage par les exhortations de Frédéric-Guillaume et de Victoria, à solliciter son admission dans la Confédération germanique. Cependant, il se prodiguait pour amener entre les cours de Londres et de Paris un rapprochement auquel sa parenté avec chacune d’elles lui permettait de travailler[2], et ces tentatives de pacification faisaient mieux ressortir l’impartialité de son attitude. Neutre et pacifique, sa politique fut celle qui convenait au rôle et aux intérêts de son peuple. Elle accentuait et elle imposa le caractère sous lequel il voulait apparaître aux Belges et à l’Europe, celui d’un roi national.

Cette politique devait évidemment le détourner de ses anciens projets d’union douanière. S’ils furent repris en novembre 1842, c’est que le ministère Guizot crut y trouver un moyen de donner à l’amour-propre français, par l’annexion économique de la Belgique, une compensation de ses récentes déconvenues en Orient[3].

Le gouvernement de Bruxelles mena les pourparlers dans l’espoir irréalisable d’obtenir des avantages pour l’industrie sans compromettre l’autonomie nationale. Disposé à supprimer les droits de douane entre les deux pays et à établir un tarif unique pour les autres frontières, il se refusait obstinément à admettre les douaniers français sur son territoire. Les Puissances suivaient les négociations d’un œil soupçonneux et

  1. Par scrupule de neutralité, Lebeau déconseillait de donner au ministre belge à Paris, le caractère d’un ambassadeur de famille. Voy. M. Huisman, dans Mélanges Pirenne, t. I, p. 231 et suiv.
  2. De Guichen, La Crise d’Orient et l’Europe, p. 350. Cf. A. De Ridder, Léopold Ier et la question d’Orient (Rev. catholique des idées et des faits, 1928, Nos 20-23).
  3. Guizot, Mémoires, t. VI, p. 276 et suiv. ; Stockmar, Denkwürdigkeiten, p. 365 et suiv. ; Ad. Dechamps, Une page d’histoire (Revue Générale, mai 1869).