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après le décès de son premier fils, avait songé à prendre des mesures pour assurer, au cas où il mourrait sans enfants, la régence de l’État à un prince de la maison de Cobourg, le roi des Français avait prétendu s’opposer à ce projet, que la naissance du futur Léopold II, le 9 avril 1835, avait d’ailleurs bientôt dissipé[1]. Plus tard, en 1836, sous le ministère Molé, il avait été question d’une union douanière entre la Belgique et la France, dont on s’était encore entretenu en 1837 et en 1839[2]. La crise économique qui s’ouvrit cette même année donna aux pourparlers une signification plus précise et des chances sérieuses de réussite.

L’élan industriel qui avait débuté en 1835 avec une fougue trop hâtive, n’avait pas tardé à s’épuiser au milieu des abus de la spéculation. Le marasme des affaires avait contribué, on l’a vu, à pousser les Chambres à l’acceptation des traités d’avril 1839, mais, ceux-ci votés, la situation était apparue plus menaçante. Le marché intérieur s’était rétréci par la perte du Limbourg et du Luxembourg. Sur toutes les frontières, des lignes de douanes s’opposaient aux besoins d’exportation d’une industrie trop développée pour pouvoir se maintenir sans débouchés extérieurs. Les capitaux commençaient à se cacher. La Banque de Bruxelles suspendait ses paiements en 1839, et John Cockerill était obligé de demander un concordat à ses créanciers. Les salaires, après une hausse momentanée, retombaient. La dépression prenait à tel point les allures d’une catastrophe que le roi de Hollande s’attendait à voir sombrer le pays dans une ruine qui le lui ramènerait, et que Guizot se persuadait de l’impossibilité pour la Belgique de conserver son indépendance dans des conditions aussi désastreuses.

Au milieu de ce désarroi, l’idée de ranimer l’industrie en lui ouvrant le marché français grâce à une union douanière était trop tentante pour que le gouvernement pût y résister. De nouvelles négociations s’ouvrirent en 1840, puis en sep-

  1. Louis-Philippe déclarait qu’il ne laisserait pas « germaniser » la Belgique. Voy. De Ridder, Bulletin de la Commission royale d’histoire, 1928, p. 210.
  2. F. De Lannoy, Les projets d’union douanière franco-belge en 1841-1842 (Revue catholique des idées et des faits, déc. 1922).