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Cobourg de s’être rendu complice d’une révolution, et qui affectaient de ne prononcer jamais le nom de la famille qu’il avait compromise[1].

Mais s’il l’avait compromise à leurs yeux, il l’avait en revanche relevée aux yeux de l’Europe en devenant roi, et il était bien décidé, tant par intérêt dynastique que par intérêt personnel, à la pousser plus avant dans le chemin de la fortune. Déjà en 1836 son neveu Ferdinand avait été porté au trône de Portugal par son union avec Doña Maria. Au mois de février 1840, le mariage d’Albert, autre neveu, avec la jeune reine d’Angleterre, auquel Léopold s’employa de toutes ses forces, le faisait participer au prestige que cette illustre alliance apportait à sa maison, en même temps qu’elle resserrait les liens de famille qui l’attachaient déjà lui-même à Victoria. La même année, une de ses nièces épousait le duc de Nemours, et trois ans plus tard, son neveu Auguste s’alliait à la princesse Clémentine d’Orléans. S’il n’avait tenu qu’à lui enfin, un autre Cobourg eût obtenu en 1841 la main de la reine d’Espagne. Il fallait bien convenir, après tout cela, que le petit roi républicain que l’on avait traité de si haut était devenu l’un des monarques les mieux apparentés de son temps, et sa couronne, apparaissant plus brillante, apparut en en même temps plus respectable.

Cette heureuse fortune de son souverain venait à point nommé pour la Belgique. Autant elle avait profité de l’entente cordiale de la France et de l’Angleterre, autant la rupture de celle-ci en 1840, lors de la crise provoquée par les événements d’Orient, semblait devoir lui être fatale. Jusqu’alors le gouvernement de Louis-Philippe avait cherché à exercer sur le nouveau royaume, à l’existence duquel il avait si activement contribué, une sorte de protectorat qui, tout en préoccupant le cabinet de Londres, n’avait pourtant provoqué de sa part aucune réaction inquiétante. En 1834, lorsque Léopold,

  1. Ernst von Sachsen-Coburg, Aus meinem Leben, t. I, p. 33. Le prince d’Altenberg se refusait à fréquenter la cour de Cobourg « weil man doch immer gewärtigen müsse das dort dass Wort Belgien ausgesprochen werde ».