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Force lui fut bien cependant de suivre officiellement une conduite que les traités de 1839 aussi bien que l’opinion hollandaise lui imposaient. Ses velléités et ses machinations personnelles ne trouvaient aucun appui ni parmi sa nation ni parmi les membres de son gouvernement. Le ministre qu’il chargea de le représenter à Bruxelles, Falck, réprouvait nettement toute collusion avec l’orangisme, et la parfaite loyauté de son attitude contribua grandement à l’apaisement du conflit que les rancunes de la maison d’Orange avaient si inutilement prolongé entre les deux royaumes. Le 5 novembre 1842, un traité, complété le 8 août 1843 par une convention définitive, régla les questions encore pendantes en matière de navigation et de finances et fixa dans le détail le tracé des frontières. L’humeur du roi Guillaume ne devait plus empêcher désormais l’État belge et l’État hollandais d’entretenir l’un avec l’autre des relations correctes.

Depuis la ratification de son indépendance par les cinq grandes Puissances, ce n’est pas l’attitude de la Hollande, mais bien celle de ces Puissances mêmes qui pouvait inquiéter la Belgique. Et en effet, jusqu’en 1848, elle trahit à l’égard du jeune royaume tout autre chose que de la bienveillance. La Russie, l’Autriche et la Prusse se résignaient mal à admettre la légitimité du roi révolutionnaire que la France et l’Angleterre les avaient forcées de tolérer plus encore que de reconnaître. Le tsar avait pris prétexte de l’entrée d’officiers polonais dans l’armée belge en 1839, pour échapper au désagrément d’envoyer un ministre à la cour de Bruxelles. Il fallut attendre jusqu’en 1852 pour qu’il daignât nouer avec elle des rapports diplomatiques[1].

Pour désagréable qu’elle fût, cette bouderie hautaine venant de si loin, n’était pas bien dangereuse. Les dispositions du tout puissant Metternich avaient un bien autre poids, et Léopold s’ingéniait d’autant plus à se les concilier qu’il professait pour ce parangon de la Sainte-Alliance une admiration sincère.

  1. Ch. Terlinden, L’établissement des relations diplomatiques entre la Belgique et la Russie, 1852-1853 (Revue d’histoire diplomatique, 1923).