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belge et de religion catholique, qu’il passa ses derniers jours dans une retraite maussade à Berlin, uniquement occupé de lucratives opérations financières[1].

Son successeur, Guillaume II, était ce prince d’Orange qui après avoir vainement sollicité deux fois les Belges de lui donner la couronne, les avait battus dans la campagne des dix jours. Vis-à-vis de Léopold, sa position était doublement fausse, et l’on ne pouvait s’attendre à ce qu’il lui témoignât des dispositions très cordiales. Le manque de sens politique et l’esprit d’intrigue dont il avait auparavant donné tant de preuves l’inclinaient encore à s’illusionner sur les chances d’un retour de fortune en sa faveur. Salué à son avènement par une députation des survivants de l’orangisme[2], il s’obstinait à compter sur ce parti moribond. Il se figurait d’ailleurs avoir conservé des sympathies en Belgique et se flattait naïvement de pouvoir les augmenter en affectant des tendances catholiques, en favorisant dans son armée les officiers belges, en modifiant l’uniforme de ses troupes à l’imitation de l’uniforme belge. Il n’est pas impossible qu’il ait pris au sérieux en 1840-1841 de vagues ouvertures dont il semble que le ministère Thiers l’ait tenté sur la possibilité d’un partage de la Belgique entre la France et la Hollande[3]. Peut-être aussi crut-il pouvoir faire tourner à son profit les rêveries de De Potter en 1839, sur la constitution d’une fédération hollando-belge[4]. Il se compromit en tous cas dans le complot insensé des généraux van der Smissen et van der Meere (septembre 1841) qui furent condamnés en cour d’assises pour avoir voulu enlever la famille royale[5].

  1. Il mourut le 12 décembre 1843.
  2. Gedenkstukken, loc. cit., t. II, p. 578.
  3. C. F. von Stockmar, Denkwürdigkeiten, p. 369 et suivantes (Brunswick, 1872). Le ministre sarde à Bruxelles dit, en 1844, « qu’il s’est tourné du côté de la France, avec laquelle il espère pouvoir s’entendre pour partager avec elle à la première occasion les dépouilles de la Belgique, dont il reprendrait la partie flamande, en lui abandonnant les provinces wallonnes ». Buraggi etc. op. cit., p. 121.
  4. De Potter, Souvenirs personnels, t. II, p. 272.
  5. Voy. plus haut, p. 63.