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occurrence, le Congrès sacrifiait aux convenances de la Belgique une population étrangère et, comme la Conférence de Londres le faisait justement observer, se fondait uniquement sur le droit de conquête. La guerre seule eût pu trancher la question, puisqu’elle n’était qu’une question de force, et il n’était pas au pouvoir des Belges de faire la guerre contre la volonté de l’Europe.

L’intervention des grandes Puissances dans le conflit hollando-belge en avait dès lors déterminé le cours et imposé la solution. Au fond, les traités de 1839 étaient une sentence dictée aux deux parties après d’innombrables incidents de procédure, et, à tout prendre, elle donnait gain de cause à la Belgique, puisqu’elle consacrait irrévocablement l’existence de cet État révolutionnaire. Sans doute, par considération d’équilibre, elle le soumettait à une double limitation : limitation politique tout d’abord en contraignant ce pays, éternel objet de dispute entre ses voisins, à une neutralité perpétuelle et garantie ; limitation territoriale ensuite, en lui refusant non seulement la Flandre Zélandaise, mais encore les parties orientales du Limbourg et du Luxembourg. En ce qui concerne ces dernières, on avait tenu compte plus encore que des droits du roi de Hollande, de ceux de la Confédération germanique. Il avait fallu, pour amener celle-ci à renoncer au Luxembourg wallon attribué à la Belgique, lui fournir une compensation en lui rattachant le Limbourg, placé d’ailleurs sous la souveraineté de Guillaume. L’Europe avait, en somme, mesuré largement sa place à la Révolution. Personne n’eût pu croire en 1830 que les « émeutiers » belges seraient, neuf ans plus tard, à l’exception de 300,000 Limbourgeois et Luxembourgeois, accueillis à titre de peuple indépendant dans le concert européen.

L’État Belge est donc le produit d’une révolution qui s’est imposée à l’Europe, mais à laquelle, en revanche, l’Europe a imposé ses limites. Il en résulte une configuration à première vue tout à fait anormale. Un coup d’œil jeté sur la carte suffit à prouver que ce n’est pas la nature mais la politique qui a fixé ici les frontières. Il apparaît absurde et humiliant que la