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JEMAPPES

garçons[1]. À Gand, la municipalité provisoire suppliait Dumouriez d’intervenir. Celle de Malines engageait le Hainaut à soutenir ses protestations[2]. Devant le péril commun, les partis cherchaient à se rapprocher. On s’apercevait trop tard de la faute que l’on avait commise en n’installant pas la représentation nationale vainement préconisée par Dumouriez et qui eût pu élever la voix au nom de tout le pays[3].

Cependant les commissaires de la Convention se mettaient à l’œuvre. Danton et Delacroix étaient désignés pour diriger les opérations à Namur et à Liège, Camus et Treilhard, dans le Hainaut et la Flandre, Gossuin et Merlin, dans le Brabant. Sous eux, trente autres commissaires, appelés commissaires nationaux, devaient exécuter les ordres et seconder l’action de ces « dictateurs ambulants »[4]. C’étaient des « têtes exaltées », des jacobins aveuglés par l’idéologie révolutionnaire, convaincus qu’il leur suffirait de s’adresser au peuple pour le conquérir et le dresser d’un seul élan contre les privilégiés et la superstition.

Leur arrivée eut pour premier résultat de surexciter les « Sociétés des amis de la liberté et de l’égalité », qui, désormais, se croient tout permis. Celle de Bruxelles leur donne l’exemple, se conformant elle-même, sous la direction du commissaire Alexandre Courtois, et aux applaudissements des Français qui y dominent, à l’exemple de Paris. On dirait qu’elle s’acharne à exaspérer par ses outrances l’opinion publique. On y propose de fraterniser avec les jacobins, ces « mécaniciens de la Révolution », de substituer aux anciens noms des rues, vestiges honteux de la superstition, ceux de Marathon, de Salamine, de Voltaire, du Divorce, etc., et de transformer le Parc en Cours de la Liberté. D’autres motions s’attaquent

  1. R. Coppieters, Journal, publié par P. Verhaegen, p. 240 (Bruges, 1907).
  2. L. Devillers, op. cit., t. III, p. 290.
  3. Le 14 janvier 1793, les représentants provisoires de la Westflandre exhortent ceux du Hainaut à les seconder en vue de hâter la réunion de la « Convention nationale belge ». Ils déclarent qu’elle est le seul moyen de « sauver la patrie ». Ibid., p. 289, 293.
  4. Voy. leurs instructions dans Aulard, Recueil des actes du Comité de Salut Public, t. I, p. 331 et suiv.