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L’ANARCHIE À BRUXELLES

d’autorité au milieu de l’insurrection que la rapidité de son triomphe et l’absence de chefs font s’agiter en remous confus.

Le moment est venu qu’espérait le roi. Il a prévu qu’en durant l’agitation sombrerait dans l’anarchie et lui fournirait l’occasion qu’il attend. Il sait que parmi les modérés beaucoup lui reviennent, et que la terreur d’une révolution sociale les détourne de la révolution politique. Les revendications des ouvriers épouvantent les fabricants. La séparation violente des deux parties du royaume les menace d’ailleurs de perdre le marché des Indes et la protection rémunératrice de la couronne. À Gand, dès le 8 septembre, la Chambre de commerce, la Société Industrielle, les quatre loges maçonniques pétitionnent en faveur de l’unité de l’État, et, le 13, leur exemple est imité à Anvers. De Bruxelles, des avis parviennent au prince Frédéric, le suppliant de profiter du désordre pour entrer dans la ville, l’assurant qu’il n’y rencontrera pas de résistance. De La Haye, l’ordre lui arrive de se préparer à marcher. Il concentre ses régiments à Vilvorde et, le 21, ses patrouilles de cavalerie se répandent aux alentours de la capitale. Une proclamation annonce son arrivée « à la demande des meilleurs citoyens » et promet un pardon généreux dont ne seront exclus que les étrangers et les fauteurs d’actes trop criminels.

Mais le même jour, le premier sang a coulé. Des Liégeois sortis à la rencontre de quelques partis de dragons ont vu tomber plusieurs de leurs hommes. La lutte est commencée et ses instigateurs sont décidés à la soutenir. Ils font demander des secours à Liège, à Louvain, à Wavre et jusque dans le Borinage. Des villages de la banlieue, où sonne le tocsin, des paysans se mettent en marche. Pendant que des familles aisées prennent la fuite, la ville se prépare au combat. On renforce les barricades, on en construit de nouvelles. Les anciens militaires gradés sont invités à se présenter à l’hôtel de ville. On passe en revue les compagnies de volontaires parmi lesquelles figurent nombre de soldats en uniforme au milieu des blouses bleues. D’Hoogvorst abandonne le commandement de la garde bourgeoise mais continue à en porter le costume. De