Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
396
LA SÉPARATION

avec lui, ils étaient résolus à n’en pas tenir compte et à lui imposer leur volonté. Aussi avaient-ils tout mis en œuvre pour empêcher les députés belges de se rendre à la session des États-Généraux. La solution légale du conflit eût sans doute rallié les modérés et restitué au gouvernement une influence que redoutaient également les démocrates et les patriotes les plus exaltés. Au point où l’on en était arrivé, il n’était plus question de s’embarrasser de scrupules constitutionnels, de Loi fondamentale et de respect des traités. La souveraineté nationale s’était prononcée, et c’était la mettre en doute que de se rendre à la convocation du roi.

Mais les députés se faisaient un point d’honneur de respecter la constitution. Leur modération s’effrayait d’ailleurs de l’allure prise par les événements. Les mêmes motifs qui détournaient les démocrates d’une pacification la leur faisaient souhaiter. La séparation qu’ils voulaient comme eux, ils ne voulaient y arriver que par la voie légale. En dépit des menaces et des objurgations, ils partirent. Les cris de mort et les injures qui les accueillirent à La Haye leur montrèrent qu’ils n’y arrivaient pas en représentants du royaume, mais en ennemis. Ce n’étaient plus des partis, c’étaient deux peuples qui allaient s’affronter dans la salle des États. Le discours du trône qui ouvrit la session le 13 septembre détonna par son style officiel et ambigu. Rien de plus maladroit que l’affectation qu’il mettait à cacher la nécessité inéluctable de la séparation et à faire l’apologie du gouvernement au moment même où il venait de provoquer une révolution. Cette révolution, le roi, il est vrai, n’y voyait qu’une « émeute » (oproer) devant laquelle il se déclarait décidé à ne pas plier. Et cette menace, après les tergiversations dont il n’avait cessé de faire preuve depuis le 25 août, trahissait bien plus son désarroi que son énergie. Son but n’était d’ailleurs que de gagner du temps grâce à la lenteur de la procédure parlementaire et de réserver l’avenir.

Les débats se déroulèrent au milieu des passions qu’attisaient encore les nouvelles arrivées de Belgique. Pendant que les députés délibéraient, le roi dévoilant son jeu, faisait attaquer