III
Pourtant, le calme qu’ils prêchaient était impossible. La certitude de la victoire enflammait les esprits et ne permettait pas aux masses enfiévrées de contenir leur impatience. De Bruxelles, le mouvement se répandait dans tout le pays. Les insurrections locales des premiers jours s’unissaient en une même impulsion gravitant vers la capitale. Une députation liégeoise venait mettre à la disposition de « ses frères de Bruxelles tous les secours qui seraient jugés nécessaires en hommes, fusils, munitions et même artillerie ». Des localités voisines, des bandes de jeunes gens accouraient s’offrir aux chefs de la garde bourgeoise. Dès le 1er septembre, les premiers étaient arrivés de Wavre. La Flandre s’associait aux autres provinces. Le 3 septembre, le drapeau tricolore flottait à Grammont, le 6, à Alost, à Ninove, à Deynze ; en se généralisant, les couleurs brabançonnes devenaient les couleurs belges. On n’en voyait plus d’autres dans les provinces wallonnes. Seul le Luxembourg se réservait encore.
Le mot d’ordre est désormais la séparation du royaume. Personne ne croit plus à la possibilité du statu quo. C’est l’opinion des diplomates étrangers comme celle des fonctionnaires hollandais[1]. L’impatience est d’ailleurs égale à la confiance. Un même espoir d’affranchissement et de liberté soulève le peuple et les jeunes démocrates de la bourgeoisie. À Liège surtout, l’enthousiasme déborde. Charles Rogier, endossant la blouse bleue, agit en tribun. La Commission de sûreté, désemparée, laisse faire. Il serait aussi dangereux de réprimer l’opinion déchaînée que de la laisser s’énerver dans l’attente. À Bruxelles même, la Régence écrit piteusement au roi « qu’elle adhère pleinement aux vœux des Belges » pour la séparation[2].