bien lui forcer la main et tout de suite ils s’ingénièrent à se ménager des intelligences parmi les Belges, espérant exploiter leur mécontentement au profit de leurs desseins. S’ils n’avaient rien à attendre des catholiques, ils se flattaient au moins d’entraîner les libéraux et les démocrates.
Il en était parmi ceux-ci qui ne s’étaient résignés qu’à contre cœur à marcher la main dans la main avec le clergé. L’opportunité seule les avait décidés à conclure une alliance qui répugnait à leurs sentiments anticléricaux. Ils la rompraient sans doute si l’appui de la France leur assurait la victoire sans qu’il en coûtât rien à leurs principes. À vrai dire, à s’appuyer sur la France, on risquait de compromettre ou même de sacrifier l’indépendance nationale. Mais cette alternative n’était-elle pas préférable au maintien de l’oppression hollandaise ? S’unir à la France, qu’était-ce autre chose que s’associer à sa mission libératrice ? La Belgique ne pouvait échapper à l’enthousiasme provoqué dans toute l’Europe par la révolution de juillet. C’était le moment où Heine la chantait comme un printemps, où Börne saluait le « pavé sacré du boulevard », où le président du gouvernement provisoire de Bologne comparait les trois journées de Paris aux six jours de la création[1].
Cette griserie d’idéalisme s’empara certainement de beaucoup d’esprits. Mais il serait tout à fait inexact de croire qu’elle ait suscité la formation d’un parti français travaillant, de propos délibéré, à l’annexion du pays. Il y eut des efforts isolés, mais aucune action organisée et persévérante. Encore les hommes qui entrèrent alors en rapport avec La Fayette, avec Mauguin ou le général Foy, étaient-ils loin de s’entendre. Les uns, comme Gendebien, étaient des natures ardentes et généreuses, s’abandonnant à l’entraînement général sans aucun souci d’ambition personnelle ; d’autres, comme le comte de Celles et d’anciens fonctionnaires impériaux, n’exploitèrent la situation qu’à leur profit. Dans la confusion de la
- ↑ A. Stern, Geschichte Europas seit den Verträgen von 1815. 2de Abt., t. I, p. 75 (Stuttgart, 1905).