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L’INSTALLATION DU RÉGIME

intellectuelle se manifeste encore par la reconstitution, le 18 novembre 1816, de l’« Académie des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles », créée en 1772, et que la conquête française avait balayée pêle-mêle avec les anciennes corporations. À côté des rares survivants de la Compagnie et des quelques érudits belges qui leur furent adjoints, le roi prit soin d’y faire entrer bon nombre de savants hollandais. Cette innovation ne modifia pourtant qu’en apparence le caractère de l’institution. La fondation par Louis-Napoléon, en 1808, de l’« Institut royal d’Amsterdam » avait doté le nord du royaume d’une Académie distincte qui continua d’y rester le centre de l’activité scientifique. L’Académie de Bruxelles, aux séances de laquelle ne participèrent que de loin en loin les membres néerlandais, n’éprouva donc que très faiblement leur influence. Elle demeura essentiellement une Académie belge. Comme au XVIIIe siècle, elle ne fit usage que de la langue française et la seule action qu’elle subit fut celle de la France. Autant que la France, elle ignora les méthodes qui en Allemagne renouvelaient la critique historique et philologique, tandis qu’elle témoignait plus d’activité dans le domaine des sciences exactes, au progrès desquelles la Révolution avait si puissamment collaboré. En somme, elle ne contribua nullement, comme le roi l’avait espéré, au rapprochement intellectuel des deux parties du royaume. Elle ne s’orienta point vers Amsterdam mais vers Paris, dont son activité apparaît comme un reflet d’ailleurs assez faible.

Si le gouvernement ne fit rien pour combattre le prestige séculaire dont la langue française jouissait en Belgique, il se préoccupa en revanche, dès 1819, de lui enlever dans les provinces flamandes la situation de langue officielle qu’elle y occupait depuis la conquête française. Le 11 septembre de cette année, un arrêté royal décidait qu’à partir de 1823, la langue nationale (landstaal) serait seule employée par l’administration et pour les plaidoiries dans les deux Flandres ainsi que dans les provinces d’Anvers, de Limbourg et de Brabant à l’exception de l’arrondissement de Nivelles. En attendant la mise en vigueur de la loi, il était permis aux autorités de s’y conformer à l’avance. Cette faculté leur était même recom-