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INAUGURATION DE GUILLAUME

juré le maintien de la Joyeuse Entrée et reçu le serment des États de Brabant[1].

Après les derniers événements, on ne pouvait guère compter sur l’enthousiasme du peuple. C’eût été un motif de frapper les esprits par une solennité éclatante. Malheureusement, par raison d’économie, on avait visé au bon marché. L’estrade n’était pas même achevée et les ouvriers y travaillaient encore quand le cortège y monta. On remarqua en souriant que sous le manteau de velours des ducs de Brabant, dont le roi s’était paré pour la circonstance, il portait un pantalon blanc et des bottes à l’écuyère[2]. On observa surtout que parmi ses ministres figurait un seul Belge, le duc d’Ursel. Le discours qu’il prononça en hollandais devant les États-Généraux, détonna singulièrement aux oreilles des nobles et des bourgeois francisés auxquels il s’adressait. Quant à la foule, qui avait compté sur une abondante distribution de médailles d’argent, son indignation fut grande de n’être aspergée que de pièces de cuivre. La « canaille » s’en vengea en donnant à Guillaume le surnom de « Koperen Koning »[3]. Les ministres étrangers durent emporter de ce commencement de règne, une impression assez morne. L’ambassadeur anglais, lord Clancarty, le plus dépité parce que le plus intéressé à l’avenir du royaume, se borna à écrire à Londres que tout s’était très bien passé.

Durant la première année que la cour et le gouvernement passèrent à Bruxelles (octobre 1816 - septembre 1817), l’impression de malaise laissée par ce début ne fit que s’accentuer. La noblesse trouvait les soirées du palais mortellement ennuyeuses. Le roi la rebutait par sa gravité et ses allures autoritaires. Il parlait le français avec répugnance et il le parlait mal. La reine était mal habillée et voulait trop visiblement être aimable pour l’être en effet[4]. On se sentait désorienté

  1. H. Vander Linden, L’inauguration de Guillaume 1er, roi des Pays-Bas. Bulletin de l’Acad. Roy. de Belgique. Classe des Lettres, 1921, p. 378 et suiv.
  2. Son portrait dans la salle des séances de l’Académie de Belgique le représente sous ce costume.
  3. Vander Linden, loc. cit., p. 394.
  4. Gedenkstukken 1813-1815, p. XXVI.