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GOUVERNEMENT DU PAYS SOUS LES ALLIÉS

général du Bas-Rhin (capitale Aix-la-Chapelle) établi par elle dès les débuts de l’invasion, les départements de l’Ourthe et de la Basse-Meuse, tandis qu’elle avait englobé celui des Forêts dans le gouvernement du Rhin moyen (capitale Trêves)[1]. Le reste du pays forma le « gouvernement général de la Belgique ». Dès le 15 janvier 1814, les chefs des états-majors des armées avaient placé à sa tête deux Commissaires, Prussiens l’un et l’autre, le comte de Lottum et M. Délius, chargés de l’administrer au nom des « hauts alliés ».

Pour masquer à la population cette armature militaire, on l’avait dissimulée sous une façade. Le duc de Beaufort, le représentant le plus en vue de l’aristocratie belge, avait reçu le titre de gouverneur général, et on l’avait flanqué d’un Conseil administratif pourvu de secrétaires, délégués à la police, aux finances et à la justice, le tout recruté parmi la noblesse ou d’anciens fonctionnaires du régime autrichien.

En réalité, le pouvoir appartenait aux Commissaires, et le gouverneur général dut se contenter et se contenta du reste fort aisément de ses apparences. Le rôle qu’il joua fut très exactement celui auquel en 1706 la Conférence des ministres anglais et hollandais avait réduit le Conseil d’État[2].

Les vieilles gens qui, soit par intérêt, soit par fidélité à la tradition, s’obstinaient à regretter le passé, avaient cru que les alliés agiraient en 1814 comme les Autrichiens en 1793. Pour eux, la Révolution et l’Empire n’avaient été qu’une parenthèse ; elle était fermée et ils attendaient naïvement une restauration. Les syndics des nations de Bruxelles demandaient au duc de Saxe-Weimar le rétablissement de leurs privilèges[3]. Les États de Brabant, ceux de Hainaut aspiraient à reprendre leurs prérogatives constitutionnelles. Ils ne voyaient pas que pour les satisfaire il eût fallu sacrifier

  1. À la suite du premier traité de Paris (30 mai 1814), le gouvernement du Rhin-moyen disparut en juin 1814 et un gouvernement du Bas et Moyen Rhin fut institué, comprenant, en fait de territoires belges, le département de la Basse-Meuse (à droite du fleuve), celui de l’Ourthe, celui des Forêts et celui de Sambre-et-Meuse (à droite du fleuve).
  2. Histoire de Belgique, t. V., 2e édit., p. 113.
  3. Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, t. XII [1847], p. 230.