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LA FIN DU RÉGIME

première atteinte. Car, pour frapper le commerce anglais, Napoléon avait augmenté la taxe perçue sur l’entrée du coton brut et il en résulta une hausse désastreuse de la matière première. Le gouvernement avait espéré compenser le fléchissement de l’industrie cotonnière par le développement de celle des toiles de lin. Mais dès 1808, la guerre d’Espagne fermait aux linières belges le marché de la péninsule, qui avait été jusqu’alors leur débouché principal et, en généralisant la crise, généralisait les inquiétudes. Il devenait trop évident que le blocus continental ne favorisait guère que la contrebande et qu’entre l’Empire, si démesurément qu’il s’agrandît sur le continent et l’Angleterre, qui possédait la maîtrise des mers, la partie n’était pas égale. Les efforts obstinés de Napoléon pour abattre son adversaire exerçaient une répercussion de plus en plus sensible sur les impôts. Les droits réunis augmentaient sans cesse et avec eux augmentait le coût de l’existence. De 40 centimes par hectolitre, la taxe sur la bière finit par monter à 3 francs[1], et l’on peut mesurer à cette hausse formidable les souffrances du public et la gêne de l’industrie. Le prix des denrées coloniales devenait inabordable. L’institution, en 1809, de licences d’importation des produits anglais à condition d’exporter pour la même valeur de marchandises françaises, avait échoué devant les mesures prohibitives prises par la Grande-Bretagne. C’est à peine si, durant quelque temps, elle avait ramené dans le port d’Ostende une activité factice.

En 1813, le mouvement économique était tombé dans un marasme complet. Le préfet de l’Escaut constatait que la fabrication des toiles était réduite au dixième de ce qu’elle avait été. À l’automne, 1,300 ouvriers étaient renvoyés à Gand des filatures de coton. Dans la Dyle, les manufactures, qui occupaient encore 15,725 travailleurs en 1808, n’en comptaient plus trois ans après que 9,362. À partir de 1811 déjà, les faillites se multipliaient, même à Verviers, la ville la plus prospère des départements réunis[2]. En 1814, Liévin Bauwens devait suspendre ses payements.

  1. Lanzac de Laborie, op. cit., t. II, p. 205.
  2. Ibid., p. 42-44.