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LES ÉCOLES CENTRALES

Les Écoles Centrales, dont une devait être érigée dans chaque département, contrastent par leur activité et leur vigueur avec cette misère. En matière d’enseignement, elles furent certainement la création la plus intéressante et la plus féconde de la Révolution. L’esprit qui les anime est résolument l’esprit moderne. Le latin n’y figure plus que comme adjuvant de l’enseignement du français. Les sciences exactes, les mathématiques et les sciences naturelles, physique, chimie, botanique, sont appelées à concourir à la formation de l’intelligence. Chaque École Centrale a sa bibliothèque, son jardin botanique, son laboratoire. Les professeurs sont autant que possible recrutés parmi les hommes les plus savants du département. Leurs cours, accessibles au public, ne s’adressent pas seulement aux élèves, mais encore à tous ceux qui cherchent à s’instruire ou à perfectionner leurs connaissances. À peine sont-elles ouvertes que se prononce un mouvement scientifique trop tôt interrompu. Jusqu’aujourd’hui, leur influence a laissé des traces durables : c’est d’elles que plusieurs de nos villes tiennent leur bibliothèque publique ou leur jardin botanique, et il suffira pour se convaincre de leur valeur de rappeler que des hommes comme van Hulthem, comme Cornelissen, comme Lesbroussart y ont fait leurs débuts, soit dans la carrière du professorat, soit dans celle de la science[1].

Mais l’opinion publique resta défiante à leur égard et elles furent loin d’obtenir le succès qu’elles eussent mérité. La neutralité de leur enseignement suffit à les rendre suspectes. Elles ne furent guère fréquentées que par des familles de fonctionnaires et d’acheteurs de biens nationaux. Assister à leurs cours, c’était faire acte d’adhésion au régime, et il n’en fallut pas davantage pour que l’on s’abstînt. Au surplus, les événements ne leur laissèrent pas le temps de s’acclimater. Elles ne survécurent guère au 18 brumaire. La création des lycées en 1802, amena leur disparition. Il n’en existait plus une seule en 1804.

  1. Pour l’activité de l’École Centrale de Mons, voir J. Becker, Un établissement d’enseignement moyen à Mons depuis 1545, p. 327 et suiv. (Mons 1913).