Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
LE NOUVEAU RÉGIME

enthousiasme sincère et spontané. L’étonnement que sa jeunesse inspirait aux foules augmentait leur admiration. Il laissait derrière lui l’impression d’un être extraordinaire et privilégié, d’une sorte de messie. Tous ses gestes étaient étudiés et tous portaient. À Gand, où il assista publiquement à la messe, on s’extasia de lui voir donner les marques de la plus vive dévotion. À Bruxelles, au milieu de la splendeur des fêtes et des adulations qui l’entourèrent pendant plusieurs jours, il posa tour à tour en monarque débonnaire et en chef suprême de l’État, arbitre de la paix et de la guerre. Infatigable, il passait des revues, donnait des audiences, visitait des manufactures, travaillait avec les ministres, décrétait des travaux d’embellissement et de fortification. C’est alors que furent décidés les énormes ouvrages qui devaient faire d’Anvers le plus grand port de guerre de l’Europe.

Car déjà c’en était fait de l’accalmie de la paix d’Amiens. La lutte avec l’Angleterre venait de reprendre (mai 1803) et Bonaparte, en visitant la Belgique, n’avait pas voulu seulement se rendre compte par lui-même de l’esprit de la nation, mais encore de l’exécution des préparatifs militaires qu’il y avait ordonnés et du fonctionnement de l’administration nouvelle. Il dût en revenir satisfait, mais décidé aussi à maintenir sous une surveillance étroite un peuple si nombreux, si proche de l’Angleterre et dont il avait certainement remarqué combien les mœurs, les sentiments et les idées différaient de ceux de la France.

Aussi se garda-t-il pendant tout son règne d’ouvrir aux Belges l’administration de leur pays. Tous les postes essentiels y furent dès l’origine exclusivement réservés à des Français de France. Français furent les préfets, Français les évêques, Français tous les fonctionnaires les plus importants de l’ordre administratif et judiciaire. On ne réserva aux Belges que les fonctions secondaires. Ils furent conseillers des cours impériales, sous-préfets, conseillers de préfecture, maires, juges de paix. En dehors même de leur pays, ils ne firent carrière que bien rarement au service de l’Empire. Les quelques exceptions que l’on peut citer comme celles de J.-F. Beyts, préfet