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RÉACTION CONSERVATRICE

Français que l’on y avait installés l’année précédente. Ils laissaient impunément violer la loi sur le port du costume ecclésiastique, proscrivaient le mot de « citoyen », se remettaient à « monsieuriser » et poussaient l’impudence jusqu’à saluer les gens du nom de M. le comte ou de M. le baron « en présence même des employés que l’on connaît patriotes ». Beaucoup d’entre eux refusaient de prêter serment de haine à la royauté. Ils laissaient tomber en désuétude les fêtes républicaines, se gardaient bien de veiller à l’observation du décadi, favorisaient la représentation de pièces aristocratiques dans les théâtres.

Les Commissaires du gouvernement, dont la constitution a réduit le rôle à celui de simples agents d’observation, ne peuvent que gémir sur ces abus auxquels ils sont incapables de mettre fin. Et cette impuissance encourage naturellement l’audace des ci-devant. Dans le département de la Lys, l’administration centrale tolère la rentrée des religieuses dans leurs couvents et laisse sortir les processions dans les rues. Çà et là on se met à exiger le payement des dîmes sous peine d’excommunication. On surprend même de vagues tentatives de reconstitution des corps de métiers[1].

Les préliminaires de Léoben (18 avril 1797), puis la paix de Campo-Formio (17 octobre) par lesquels l’Autriche cédait enfin la Belgique à la France, empêchant de croire encore à une restauration impériale, firent apparaître définitive la réunion à la République. On faisait bien circuler le bruit que des arrangements ultérieurs entre le Directoire et François II, donneraient le pays à l’archiduc Charles qui épouserait une fille de Louis XVI[2]. Mais pour ajouter foi à des combinaisons aussi manifestement fantastiques, il fallait être plus crédule encore qu’irréconciliable. En revanche, on commençait décidément à se flatter de voir la France revenir à l’Église et à la monarchie. Et l’annexion durerait-elle plus longtemps que la République ? Celle-ci paraissait condamnée. Le Corps légis-

  1. Sur tout cela, voy. les curieux détails donnés par Lanzac de Laborie, op. cit., t. I, p. 119 et suiv., et par P. Verhaegen, op. cit., t. II, p. 388 et suiv.
  2. Arrêtés, t. VII, p. 376.