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SUCCÈS ÉLECTORAL DES CONSERVATEURS

raisons. Voter, n’était ce point, en effet, faire acte d’adhésion au nouveau régime. Et, d’ailleurs, à quoi bon ? Quelle action pouvait exercer le pays sur l’immense république à laquelle il était annexé ? Il n’y comptait pas même pour un dixième avec les quarante-cinq sièges qui étaient attribués aux neuf départements réunis dans le Conseil des Cinq-Cents et les vingt-deux dont il disposait dans celui des Anciens. Il est vrai que les électeurs avaient à nommer les administrateurs et les juges des cantons et des départements. Ici leur influence se ferait directement sentir, et il faut que l’impopularité du régime ou la crainte de se compromettre aient été bien fortes pour que tant d’entre eux se soient abstenus.

Au reste, les élections eurent lieu dans le plus grand désordre. C’est seulement le 13 mars, huit jours avant leur ouverture, que les instructions nécessaires arrivèrent de Paris. La plupart des électeurs se dispensèrent de se faire inscrire sur les registres civiques. Il n’y en eut que 2,757 à Bruxelles, 1,100 à Mons, 300 à Anvers, 150 à Louvain, 56 à Nivelles[1]. Dans certaines communes, seuls l’agent municipal et son adjoint avaient rempli cette formalité. La mauvaise volonté ou la négligence furent telles que le ministre de l’Intérieur décida que l’inscription au registre ne serait pas requise pour cette fois et que les listes des « citoyens actifs » seraient dressées par les municipalités. Les opérations électorales se passèrent dans la confusion. Dans certains cantons, les inscrits seuls votèrent, dans d’autres, on accepta des non-inscrits. À Anvers et ailleurs, deux « assemblées primaires » se réunirent, chacune se prétendant la seule légale. La grande majorité de la nation fit preuve d’une apathie évidemment voulue sinon concertée. Il en résulta que le nombre des « électeurs » nommés par les « assemblées primaires » fut ridiculement minime : 128 pour le département de Jemappes, 19 pour celui des Deux-Nèthes !

Le résultat du vote n’en fut que plus caractéristique.

  1. Lanzac de Laborie, op. cit., t. I, p. 105 et suiv. Pour le Hainaut, cf. Harmignies, op. cit., p. 127. Add pour l’ensemble des élections : P. Verhaegen, La Belgique sous la domination française, t. II, p. 367 et suiv. (Bruxelles, 1924).