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LA RÉUNION

ces suppôts du « fanatisme » et de la superstition. Joseph II n’avait-il pas déjà porté la hache dans les couvents inutiles ? La République ne pouvait évidemment se refuser à achever l’œuvre commencée par un « despote ». Le 1er septembre 1796, toutes les maisons conventuelles des neuf départements réunis étaient supprimées conformément à l’acte constitutionnel et à l’uniformité des principes. Par mesure transitoire, on tolérait les congrégations adonnées « à l’éducation publique ou au soulagement de malades ». Toutes les autres devaient se disperser et défense était faite à leurs membres de continuer à porter l’habit. Leur subsistance serait assurée par des bons « qui ne pourront être employés qu’en acquisition de biens nationaux situés dans la ci-devant Belgique ». On peut estimer à une dizaine de milliers le nombre des religieux atteints par la loi[1]. Dès le 5 janvier 1797, ils étaient obligés de se présenter devant les administrations municipales et d’y faire connaître leurs nom, âge, profession future, résidence et moyens d’existence « sous peine d’être regardés comme vagabonds, gens sans aveu et traités comme tels »[2].

En les sécularisant, la République, du même coup, sécularisait leurs biens. L’immense capital immobilier que la piété des fidèles avait affecté, au cours des siècles, à l’entretien des moines passait de la propriété de l’Église dans celle de l’État dont il raffermissait le crédit et garantissait le maintien. Tous les acheteurs de « biens noirs » seront désormais ses plus fermes appuis et une indissoluble solidarité unira leurs intérêts à sa conservation.

Durant les quelques mois qui s’écoulent de la fin de 1795 au commencement de 1797, la Belgique passa donc de l’An-

  1. Bouteville, dans le Compte de sa mission, p. 24, estime de 13 à 14.000 le nombre des bons à délivrer aux ex-religieux mais il exagère peut-être pour faire ressortir la difficulté de sa situation. En 1796, la population des couvents de Bruxelles comprenait 571 individus, dont 275 hommes répartis en onze communautés et 296 femmes appartenant à douze communautés. C. Pergameni, La population des communautés religieuses de Bruxelles en 1796. Bulletin de la Commission royale d’Histoire, t. LXXVII [1908] p. 204 et suiv. P. Verhaegen, op. cit., t. II, p. 508, évalue le nombre des religieux à environ 10.000.
  2. Arrêtés, t. VI, p. 378.