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SITUATION DU CLERGÉ

civil et avec lui le divorce par consentement mutuel. Ainsi, de même que la terre est arrachée à la féodalité, l’homme l’est à l’Église. L’État dépouille la religion du contrôle qu’elle avait exercé jusqu’alors sur la vie humaine par les sacrements qui président à la naissance, au mariage et à la mort. La société dépouille son caractère catholique et l’État y assigne la même place au croyant, à l’hérétique ou au dissident. L’histoire de chaque famille se trouvait jusqu’ici dans les sacristies ; la voici confiée aux archives municipales. L’État désormais ignore le prêtre. Dans le même temps où il rompt avec l’Ancien Régime il sort de l’Église. Sans doute, il ne la détruit pas ; il se borne à la confiner dans la sphère des intérêts religieux et lui défend d’empiéter sur son domaine. Conséquent avec lui-même, il lui enlève l’instruction et la bienfaisance qu’elle avait jusqu’alors possédées presque sans partage. Le 7 octobre 1796, il introduit en Belgique la loi sur les hospices civils, et Bouteville est chargé d’organiser des écoles primaires et des écoles centrales.

Mais il est indispensable encore de soumettre le clergé à la surveillance de la police. On ne peut lui laisser, chez les nouveaux Français, une situation qu’il a perdue chez les anciens. L’opération est délicate, car il est populaire, respecté et aussi influent que le peuple est religieux. La loi du 21 février 1795 sur la liberté des cultes ayant virtuellement supprimé la constitution civile du clergé, celle-ci ne fut pas introduite en Belgique. On se contenta provisoirement d’y imposer (6 décembre 1796) la disposition de la loi du 7 vendémiaire an IV, interdisant de paraître en public « avec les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses ou à un ministre d’un culte ». Au reste, on ferma les yeux sur son application. Durant les premiers temps du Directoire, les prêtres séculiers furent traités avec une modération relative. Mais il n’en pouvait aller de même pour les réguliers. La Constitution de l’an III ne reconnaissant « ni vœux religieux, ni aucun engagement contraire aux droits naturels de l’homme », les condamnait à disparaître. Au surplus, tous les « amis de la Liberté » insistaient sur l’urgence de mettre à la raison