Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
LA RÉUNION

1795) et un peu plus tard les succès de l’archiduc Charles sur le Rhin, ne provoquèrent que des coups de mains isolés et sans portée. Le 3 janvier 1796, un ancien soldat au service de l’Autriche, Charles de Loupoigne dit Jacquemin, entre à Genappe à la tête d’une bande de 40 à 50 hommes et au cri de Vive l’empereur y abat l’arbre de la liberté, y foule aux pieds la cocarde tricolore, puis se retire en enlevant, outre 104 chevaux, le frère de l’un des administrateurs du département. En automne, des désordres sont signalés à Afflighem et dans diverses communes des environs de Bruxelles. L’opinion, si elle n’ose prendre ouvertement parti pour les révoltés, leur est évidemment favorable. Le jury acquitte systématiquement ceux d’entre eux que les autorités françaises sont bien obligées de traduire devant les tribunaux[1].

Le sentiment public est tellement mauvais que, malgré l’insécurité générale et le nombre croissant des bandits et des « chauffeurs », le Directoire refuse, au mois de mai 1796, d’organiser dans le pays des gardes nationales. On n’ose même permettre aux habitants de faire des patrouilles. En revanche, un des premiers soins du gouvernement est d’organiser la gendarmerie. Le 17 novembre 1795, le général Wirion est placé à sa tête. Dès le milieu de l’année suivante, elle comprend 200 brigades de 5 hommes et son action est d’autant plus efficace qu’elle se compose presque exclusivement de Français et que la population est désarmée[2].

Plus que tout le reste, le mépris affiché par les fonctionnaires et les soldats pour le clergé et pour le culte catholique irrite et aigrit le peuple. Le Directoire a beau recommander de ménager « les préjugés des Belges », il ne peut empêcher chez ses subordonnés, et moins encore parmi les troupes, les manifestations d’un anticléricalisme que lui-même professe et affirme en toute occasion. Pour la plupart des agents français, c’est un scandale insupportable que de « voir encore des moines promener leurs frocs dans les communes », et de

  1. Correspondance de Bouteville, ibid., nos 50, 65.
  2. Arrêtés, t. I, p. 348, II, p. 159, 163, 167. V, p. 77.