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tôt je m’y livrai par raison. Outre les motifs de chagrin qui m’étoient particuliers, on contracte en Angleterre un air sérieux que l’on porte jusque dans les plaisirs ; le mal m’avoit un peu gagné ; l’air et le commerce de France sont d’excellens remèdes contre cette maladie.

Aussitôt que je me fus rendu à la société, mon goût pour les femmes se réveilla ; mais je fus d’abord assez embarrassé de ma personne. Je retrouvai heureusement quelques-unes de mes anciennes maîtresses assez complaisantes pour moi. Je vis bien qu’on peut compter sur la constance des femmes, quand on n’en exige pas même l’apparence de la fidélité. Cependant une conquête nouvelle m’étoit nécessaire ; et je me trouvois dans un assez grand embarras. Après un an d’absence, c’étoit une espèce de début ; on étoit attentif au choix que j’allois faire : de ce choix seul pouvoient dépendre tous mes succès à venir. Madame de Limeuil me parut d’abord la seule femme digne de mes soins ; mais la réflexion sut réprimer ce premier transport. Elle étoit jeune, elle passoit pour sage, et il falloit qu’elle le fût, car on n’avoit point encore parlé d’elle. L’attaquer et ne pas réussir, c’étoit me perdre ; un homme à la mode ne doit jamais entreprendre que des conquêtes sûres. Tandis que je combattois par ces réflexions judicieuses le