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écrire et de vous faire rendre mes lettres ; vous n’aurez que des réponses à me faire.

Nous vécûmes quelque temps sans la moindre altération dans notre commerce ; mais la jalousie vint le troubler. Une Françoise de mes parentes fut attirée à Londres pour quelques affaires ; elle devint pour milady un sujet de jalousie, dont l’effet mérite d’être rapporté.

Elle ne me fit aucun reproche ; je remarquai seulement en elle un air plus sombre et plus farouche. Loin de chercher à me ramener par des reproches, ou par une plus grande vivacité, ou par des ridicules jetés sur l’objet qui lui déplaisoit, elle évita même de le nommer. Pour moi, qui n’avois rien à me reprocher, et qui ignorois les soupçons de milady, j’étois tranquille, lorsque j’en reçus un billet dont le sens étoit : Que transportée de dépit et de fureur sur ma perfidie, elle se sentoit au moment de se donner la mort, après m’avoir arraché la vie. Ce billet me fit frémir pour elle ; je savois le mépris que les Anglois font de la mort, par les exemples fréquens de ceux qui se la donnent. J’écrivis sur-le-champ à milady pour lui demander un rendez-vous. Ma lettre portoit un caractère de candeur, de simplicité et d’innocence. Je l’aimois et j’étois incapable de lui manquer ; et, quoique ce commerce ne paroisse pas séduisant, la sincérité en fait