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l’amour. Soyez content, me dit-elle, je vous aime depuis long-temps. Vous m’aimez, repris-je avec vivacité ! comment ne m’en avez-vous rien témoigné ? Que vous m’avez fait souffrir ! Ne parlons point du passé, reprit-elle ; j’ai examiné votre conduite ; je me suis dit à moi-même plus que vous ne m’auriez osé dire : vous devez en être convaincu par la démarche que je fais. Ma fortune et ma vie sont entre vos mains. Je profitai d’un aveu si favorable, et je trouvai cette beauté, qui m’avoit paru si froide et si fière en public, si vive et si emportée dans le tête à tête, que j’avois peine à me persuader mon bonheur. Nous nous séparâmes, après toutes les protestations de fidélité, telles que des amis sincères les peuvent prononcer, c’est-à-dire, dégagées de tout le langage froid et puéril de la galanterie. Ne vous attendez pas, me dit-elle, que je vous donne jamais en public le moindre témoignage de tout ce que vous m’avez inspiré. Si vous voulez continuer à me plaire, soyez aussi réservé dans le monde que s’il ne s’étoit rien passé entre nous. J’en jugerai ce soir, ajouta-t-elle, au cercle où je compte vous voir, et ne pas même vous regarder. Laissez donc agir mes sentimens que rien ne peut changer. C’est à moi de vous instruire des jours où je pourrai vous voir, soit ici, soit ailleurs. Je me charge de vous