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trois mois sans retirer d’autre fruit de mes soins que celui d’être souffert, et de ne point voir de rival. Je n’osois lui témoigner combien l’indifférence avec laquelle elle me voyoit arriver ou sortir des endroits où je la rencontrais, m’étoit insupportable ; je n’avois pas encore acquis le droit de me plaindre. J’étois enfin au moment de tout abandonner, quand un de mes gens vint me dire un matin qu’un cocher de place demandoit à me parler. Ce cocher me dit qu’une femme m’attendoit dans son carrosse, à la porte de St.-James. Je m’y rendis, ne comprenant pas quelle affaire pouvoit m’attirer un pareil rendez vous ; mais quelle fut ma surprise, en ouvrant la portière, de trouver milady B*** cachée dans ses coiffes, qui m’ordonna de monter : je lui obéis. Elle dit au cocher de nous conduire dans l’endroit qu’elle lui avoit indiqué. Je voulus lui parler, elle m’imposa silence, et nous arrivâmes dans la Cité, où nous entrâmes par une petite porte dans une maison dont l’extérieur étoit fort simple. Nous passâmes dans un appartement magnifique, dont elle avoit la clef. Je lui témoignai ma vive reconnoissance, et je vis qu’elle en recevroit toutes les marques que l’amour peut en donner. Vous devez sans doute être étonné, me dit-elle, de la démarche que je fais aujourd’hui ? Je voudrais, lui répondis-je, la devoir à