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liai conversation avec elle ; et, profitant de la liberté du bal, je lui offris mon hommage. Elle le reçut avec une facilité qui me fit croire que mon commerce seroit bientôt établi, et que je serois l’écueil de sa sagesse ; mais je n’en fus pas plus avancé. Madame de Lery avoit trente amans qui l’assiégeoient ; elle les amusoit tous également, et n’en favorisoit aucun. J’allois tous les jours chez elle ; chaque jour elle me plaisoit davantage ; et mes affaires n’en avançoient pas plus. Comme je m’aperçus bientôt du manège et de la coquetterie de madame de Lery, je ne voulus pas perdre mon temps avec elle, et je songeois à l’employer plus utilement ailleurs ; mais elle savoit conserver ses amans avec autant d’art qu’elle avoit de facilité à les engager. Elle ne vit pas plutôt que j’étois près de lui échapper, qu’elle employa toutes les marques de préférence pour me retenir. Je crus toucher au moment d’être heureux, et je me rengageai de nouveau. Le succès fut bien différent de ce que j’espérais.

Nous nous trouvions toujours chez madame de Lery une demi-douzaine d’amans, et ce n’étoit pas le quart des prétendans. Elle étoit vive, parlant avec facilité et agrément, extrêmement amusante, et par conséquent médisante. Elle plaisantoit assez volontiers tous ceux qui l’entouroient ; mais elle déchiroit impitoyablement les absens,