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sons qui pouvoient me convenir davantage, je préférai celle de madame de Gerville. J’y allois plus souvent que dans aucune autre, parce que la compagnie y étoit mieux choisie, et que le jeu y étoit fort rare ; on n’en faisoit jamais une occupation ni un amusement intéressé.

Je m’y trouvai un jour à souper avec madame d’Albi. Elle me toucha moins par sa figure, qui étoit ordinaire sans être commune, que par les grâces et la vivacité de son esprit, la singularité de ses idées et celle de ses expressions qui, sans être précieuses, étoient neuves. Je jugeai que personne n’étoit plus propre que madame d’Albi à me guérir de l’ennui que me causoit le commerce de madame de ***. Le hasard m’ayant placé à table auprès d’elle, la conversation, qui étoit d’abord générale, devint particulière entre elle et moi ; nous oubliâmes parfaitement le reste de la compagnie, et en fûmes bientôt à parler bas.

Madame d’Albi m’accorda la permission d’aller chez elle, et j’en profitai dès le lendemain. Dans les premiers jours de notre connoissance, notre vivacité réciproque nous fit croire que nous nous convenions parfaitement, et nous vécûmes bientôt conformément à cette idée ; mais je ne fus pas long-temps sans m’apercevoir de l’humeur la plus inégale et la plus capricieuse. Jamais elle ne pensoit deux jours de suite d’une façon unifor-