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Les femmes de robe qui ne vivent qu’avec celles de leur état, n’ont aucun usage du monde, ou le peu qu’elles en ont est faux. Le cérémonial fait leur unique occupation ; la haine et l’envie, leur seule dissipation.

Madame de *** avoit été élevée dans les principes des avantages de la robe, et son mari, fort attaché à ses devoirs, avoit grand soin de les lui répéter tous les jours. Sa jeunesse et une espèce de goût qu’elle prit pour moi m’arrêtèrent pendant quelque temps ; mais la platitude de la compagnie, les plaisanteries de la robe, qui tiennent toujours du collège, la pédanterie de ses usages, et la triste règle de la maison me la rendirent bientôt insupportable. Je vis bien que je devois songer à m’amuser ailleurs, et garder madame de *** pour mes heures perdues.

Je commençai à me rendre à la société dont madame de Gremonville m’avoit éloigné. Aussitôt que je fus rentré dans le monde, je fus prié à tous les soupers connus. Paris est le centre de la dissipation, et les gens les plus oisifs par goût et par état y sont peut-être les plus occupés ; ainsi je n’étois embarrassé que sur le choix des soupers qui m’étoient proposés chaque jour. Je ne les trouvois pas toujours aussi agréables qu’ils avoient la réputation de l’être ; mais je m’y amusois quelquefois. Après avoir examiné les mai-